Des centaines de tonnes de marchandises transitent chaque jour entre la Chine et l’Europe. Les échanges sont assurés par des moyens de transport traditionnels : le bateau et l’avion. Mais, il existe une alternative au transport maritime et aérien d’articles en provenance de Chine. Il s’agit du transport ferroviaire.
Il faut savoir que depuis le lancement du premier train de marchandises en mai 2011, les lignes de train se sont multipliées. Le volume des expéditions ferroviaires a même augmenté ces 3 dernières années avec l’apparition de la Covid-19 et le cortège de restrictions sanitaires aux frontières nationales qui ont entraîné un allongement des délais de livraison et une explosion des coûts du transport de marchandises via les aéroports et les ports maritimes.
Cet état de choses soulève deux principales interrogations : le fret ferroviaire est-il vraiment la panacée aux problèmes de transport des marchandises de la Chine vers le reste du monde ? Quel avenir pour le transport ferroviaire des marchandises ?
Train de marchandises : mise en contexte
Dans le but de rééquilibrer le développement des provinces intérieures par rapport aux villes côtières, le Gouvernement chinois a initié en 2010 la construction d’une ligne de fret ferroviaire reliant Chongqing (Chine) à Anvers (Belgique). Cette ligne couvre une distance de 11 179 km et passe par l’Allemagne, la Pologne, l’Ukraine, la Russie, le Kazakhstan et la Mongolie. L’exploitation de la ligne de fer a été confiée à une société suisse spécialiste du transport combiné rail-route. Pour ce qui est des détails techniques :
- le transit time annoncé était de l’ordre de 20 à 25 jours : il est passé à 16 jours puis à 12 jours après la finalisation des questions douanières avec les pays traversés ;
- le train peut transporter jusqu’à 50 conteneurs à une fréquence de 5 convois par jour : c’est plus de 1 000 tonnes de marchandises qui sont transportées sur cette ligne de fer, soit l’équivalent d’une cinquantaine de camions sur la route.
Après la ville de Chongqing, l’expérience a été élargie à d’autres villes chinoises comme Shanghai ou encore Tianjin. Il faut noter à cet effet que ces lignes de fret opèrent dans les deux sens : Chine/Europe/Chine. En reliant par les rails les principales villes chinoises aux capitales européennes, on peut dire que les autorités chinoises ont atteint leur objectif. C’est un véritable motif de satisfaction pour eux, comme le fait que depuis l’arrivée du premier convoi de train en provenance de Chine, de nombreux autres convois ont suivi faisant ainsi exploser les liaisons ferroviaires transcontinentales depuis près 10 ans maintenant.
L’apparition du virus de la Covid-19 en fin 2019 n’a pas freiné l’essor du transport d’articles en provenance de Chine par voie de fer. Au contraire, la pandémie a contribué à faire grimper la courbe de croissance. Dans cette période, le fret ferroviaire a connu, en effet, une ascension sans précédent. Le volume des expéditions d’articles par voie de fer vers l’Europe a effectivement augmenté de 44 % sur les 5 premiers mois de l’année 2020. Il faut savoir que pendant que les avions étaient cloués au sol et que les liaisons par bateau étaient compliquées, les trains ont continué de rouler, emportant même parfois du matériel médical.
Les rails, la nouvelle voie du commerce sino-européen ?
Le transport maritime et aérien de marchandises a rythmé les échanges entre la Chine et le reste du monde pendant de nombreuses années. Aujourd’hui encore, de nombreux articles sont acheminés vers l’Europe par bateau ou avion. Ces différents procédés comportent beaucoup d’avantages, mais ils ne sont pas sans inconvénient. Avec ce nouveau mode de transport qu’est le train, on en vient à contourner certains obstacles liés au transport par voie maritime ou par voie aérienne. Une question se pose cependant : quels sont les enjeux du fret ferroviaire ? Ils se situent principalement à trois niveaux : logistique, financier et stratégique.
Les enjeux logistiques du transport ferroviaire
En matière d’import/export, le chargement et le déchargement de marchandises sont des étapes clés. Elles déterminent le délai au terme duquel l’acheteur va enfin entrer en possession de sa marchandise. Plus il est court, plus tôt ce dernier pourra reconstituer son stock de produits pour investir le marché et satisfaire sa clientèle. Inversement, plus il est long, moins il a de chance de répondre aux attentes de ses clients en temps réel.
Il faut savoir que sur un bateau ou un avion, les délais de manutention des marchandises au départ comme à l’arrivée sont relativement longs. Le fret ferroviaire permet aux importateurs de disposer de délais de manutention bien inférieurs, quel que soit le volume d’articles. C’est ce qui justifie l’attrait de plus en plus prononcé des importateurs pour ce mode de transport.
Les enjeux financiers et économiques du transport ferroviaire
L’importation de produits a un coût qui dépend du moyen de transport utilisé. Avec la pandémie actuelle, les coûts du transport maritime des marchandises se sont envolés. La principale raison est que les ports fonctionnent à capacité réduite du fait des restrictions sanitaires imposées par les gouvernements. Cette flambée des prix est assez remarquable, surtout avec la hausse du coût des conteneurs. Selon l’indice World Container, les prix des conteneurs ont augmenté de 351 %. Ainsi, un conteneur qui coûtait environ 2 000 € avant la crise sanitaire pouvait être vendu à 13 000 €.
Le constat est le même en ce qui concerne le fret aérien. En règle générale, le coût du fret aérien est plus élevé que celui du fret maritime. C’est donc logiquement qu’il a augmenté proportionnellement au volume des articles. Le fret ferroviaire est quant à lui deux fois moins cher que le fret aérien. Aucune hausse substantielle n’a été constatée avec l’apparition du Covid-19, ce qui pour les importateurs représente un véritable atout.
Les enjeux stratégiques du transport ferroviaire
Le transport par voie de fer d’articles destinés à la vente répond aussi à des enjeux stratégiques. En effet, la plupart des entreprises spécialisées dans le transport de marchandises en provenance de Chine proposent à leur clientèle des services de fret maritime ou de fret aérien pour entrer en possession de leur stock de produits. C’est une bonne chose de leur laisser le choix.
Ainsi, cela peut être un avantage pour une entreprise de proposer un moyen de transport autre que les moyens traditionnels utilisés (avion et bateau) pour acheminer des articles de la Chine en Europe. Le transport ferroviaire d’articles entre donc dans une stratégie globale des entreprises d’import/export visant à augmenter leur part de marché. Cela ne devrait pas poser de problème dans l’absolu, car les importateurs choisissent de plus en plus de faire transiter leurs articles par les lignes de fer, puisque le train est un moyen de transport fiable, écologique et rapide. De plus, les coûts du fret ferroviaire sont plus ou moins abordables.
Quel avenir pour le transport ferroviaire des marchandises ?
Le transport par voie de fer est une option relativement coûteuse pour les opérations d’import d’articles fabriqués en Chine. Pour autant, pour certaines marchandises représentant une forte valeur ajoutée, on peut utiliser ce mode de transport. Il s’agit par exemple de machinerie industrielle, produits high-tech, vêtements de luxe, etc.
Aussi, la fréquence des départs des trains est un atout majeur si l’on considère le délai assez long de transit time (au moins 30 jours) du fret maritime. Les importateurs peuvent ainsi régulièrement envisager une nouvelle expédition de produits fabriqués en Chine par train la semaine suivant la réception d’un stock de marchandises, à un coût de transport plus faible que le fret aérien. Pour les importateurs, c’est une garantie de non-rupture d’approvisionnement. Mais, encore faudrait-il trouver le bon transitaire chargé d’organiser et de superviser l’ensemble de l’opération, d’autant plus que l’Allemagne reste, à ce jour, le principal terminus des convois en provenance de Chine.
De nombreux éléments découlant de la mise en œuvre de cette solution de transport constituent un frein à son plein développement en France. On peut citer entre autres la complexité logistique et administrative. Cependant, la voie reste ouverte. Plusieurs axes d’améliorations sont envisageables :
- impliquer les acteurs à différents niveaux ;
- moderniser les infrastructures de transport ferroviaires ;
- associer les collectivités locales.
Ce sont précisément les mesures que compte adopter la Société nationale des chemins de fer français (SNCF). À terme, l’objectif est de :
- permettre aux entreprises françaises d’import/export d’être encore plus compétitives sur le marché européen ;
- développer le fret ferroviaire à Paris et dans sa périphérie, de même que dans d’autres villes et régions de France.
Il faut dire aussi que de nombreux autres projets sont susceptibles de voir le jour dans le futur. Par exemple, l’utilisation d’un train électrique pour transporter des conteneurs d’articles fabriqués en Chine. Le caractère écologique du véhicule de transport est un élément qui pourrait plaider en faveur du fret ferroviaire, surtout que le phénomène du réchauffement climatique s’intensifie et que l’Europe est sujette ces dernières années à des hausses de température qui atteignent un niveau record. Selon les données du programme Copernicus, c’est l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre due à l’activité humaine qui en est l’origine.
En outre, un projet futuriste de train à très grande vitesse dénommé « hyperloop » a été initié par l’entrepreneur et milliardaire américain Elon Musk. L’objectif est que des capsules de voyageurs comme de fret puissent se déplacer sur des coussins d’air le long d’une voie faite d’un tube à basse pression. Lancé en 2013, le projet suit son cours. Des tests ont été réalisés, et les résultats sont concluants. Le transport par voie de fer est donc en passe de devenir populaire dans les prochaines années.
En définitive, le transport par voie de fer d’articles fabriqués en Chine à destination des pays d’Europe est en bonne voie pour se développer, à condition que les gouvernements se dévouent à la construction d’autres lignes de train ou à la restauration de celles existantes. Pour autant, les transports traditionnels, par avion et par voie de mer, restent totalement à la portée des importateurs.
Très bonne article ravie de le lire.
J’ai énormément apprécié ce blog, excellent sujet